THE QUEEN OF THE DAMNED : DOSSIER

"En y repensant", continue-t-il, "je ne me souviens pas vous avoir vue lors de la lecture du script" (je préfère ne pas lui avouer que j'étais celle qui ricanait au fond de la salle tout en dessinant des obscénités). J'essaie de prendre tout ça comme un compliment mais pourquoi ont-ils augmenté mon texte en se basant sur un rush muet ? Et est-ce que ça ne risque pas d'interférer avec le tournage de "Farscape"? Après avoir lu les nouvelles pages, Vincent suggère que l'ajout de dialogues est dû aux craintes du studio que son personnage, ainsi que celui de Stuart Townshend, aient l'air trop gay. Ca commence vraiment à devenir amusant quand les Anciens se réunissent. Bruce Spence, le grand Australien bien connu pour ses rôles dans "Mad Max" et "Road Warrior", interprète le personnage de Khayman. Matt Newton (Jothee dans "Farscape") joue le rôle d'Armand. Du fait de la focale utilisée pour ce film (une anamorphique), Matt et moi partagerons tous nos plans. La focale est si longue que peu de personnages - à part les héros - apparaîtront seuls à l'écran. Alors, sur le plateau comme en dehors, nous devenons les jumeaux pervers. Lena Olin (qui joue le rôle de Maharet) et Vincent Perez nous rejoignent pour ces scènes. Ils sont charmants et très drôles. Le travail est de plus en plus plaisant.
    Une séquence se déroule durant un concert rock. Les Anciens y vont pour voir ce que c'est. Puisqu'ils restent loin de la scène, notre séquence n'est pas tournée en même temps que le concert. Des dizaines de figurant gothiques ont été engagés. Après sept longues heures d'attente dans une caravane, une Pandore très endormie se rend tant bien que mal sur le plateau pour rejoindre les autres Anciens. La seule chose qui me tient éveillée, c'est le fait qu'un figurant presque nu soit en train de danser devant nous. Les autres acteurs ont trop de classe pour le reconnaître.
    Moi, j'essaie de ne pas glousser. Il faudrait vraiment que je grandisse. Je suppose que ça doit être l'effet du manque de sommeil. On passe un disque aux figurants pour qu'ils se sentent dans l'ambiance. Vu leurs vêtements, le segment de population qu'ils représentent et le type de musique qu'ils entendront lors du tournage, "We are Family" de Sister Sledge ne me semble pas très approprié et la moitié de l'équipe s'est réfugiée au fond de la salle, redoutant que ça finisse en émeute.En une longue prise, nous réagissons à des évènements qui ne seront filmés que dans un mois. Le réalisateur dit des choses comme : "OK, et maintenant untel apparaît tout d'un coup". Quand est-ce que nous allons manger? Nous avons eu notre dernier repas il y a dix heures. Merde. Six heures du matin. Il est l'heure de retourner à l'hôtel, de mettre mon masque pour la nuit et mes boules Quiès. J'essaie de dormir avant qu'on vienne me chercher pour le tournage de l'après-midi. En fait, ce serait plutôt N-U-L. Nous avons tourné une scène au milieu des collines qui entourent Melbourne. Elles sont censées être celles qui surplombent Hollywood. Les Anciens se rassemblent devant les lettres géantes qui forment le mot "Hollywood". Du fait de la taille des vraies lettres (et sûrement aussi à cause de contraintes budgétaires), seule la moitié des trois premières lettres a été construite. C'est pourquoi c'est juste N-U-L. Nous passons toute la nuit à tourner une seule scène.
    Entre deux prises, j'appelle mes amies qui sont à Sydney pour une réunion d'anciens élèves. Elles sont dans les toilettes (le lieu de réunion habituel des filles). La réception est mauvaise et la communication finit par être coupée. Je me retrouve donc devant les trois lettres de N-U-L, équipée de crocs et vêtue d'un costume étrange. Je suis censée être une vampire. Je me demande combien de mes anciens camarades de classe sont devenus docteurs ou avocats et je me dis que j'ai choisi une bien étrange façon de gagner ma vie.
    Vous réalisez que votre personnage n'est pas indispensable quand elle est tuée. A l'origine, dans le script qu'on m'avait envoyé, mon personnage frôlait la mort mais s'en sortait. Mais le scénario ayant subi une modification, le sort de Pandore est maintenant réglé. Lorsque j'eus rassemblé assez de courage pour demander au réalisateur pourquoi la fin avait été modifiée, il me répondit : "Egalité de traitement". J'ai ri, puisque tout le monde autour de moi riait. Mais je n'ai toujours pas compris ce qu'il voulait dire par là. Le monde des morts-vivants est un vrai coupe-gorge et, maintenant, quelqu'un devait survivre à ma place. Mais tant que ma mort était gore, ça ne me gênait pas. Et gore ce fut. Durant la scène, je devais porter des lentilles de contact qui sont en fait des disques durs qui recouvrent tout le globe oculaire. Mais elles appuient sur un nerf, ce qui peut donner la nausée et, comme j'avais vomi toute la matinée à cause d'une grippe intestinale, l'infirmier de service hésitait à me les mettre.
    Le tournage était assuré par la seconde équipe car la première - avec le réalisateur - était en extérieurs sur la côte sud. J'ai alors dit que, vu que le metteur en scène était absent et donc incapable de décider, et vu que je commençais le tournage de "Farscape" dans quelques jours (ce qui m'interdisait de revenir tourner une scène), il valait mieux que je tente le coup et que je mette les lentilles. On me versa d'abord des gouttes anesthésiantes dans les yeux pour les engourdir avant l'installation des lentilles. Un opticien les plaça alors d'un geste sûr malgré mes gémissements. Devenue aveugle, lui et le responsable du positionnement, Rinski, me menèrent jusqu'à l'endroit où je devais commencer ma scène. On m'avait posé une prothèse sur le cou dans la matinée pour que j'aie des veines saillantes. J'avais une pastille de sang sous la langue et, toujours aveugle, je me jetais sans m'en douter dans un escalier, ce qui me faisait me tordre de douleur. Un peu plus tard, un informaticien me fit disparaître dans une grande gerbe de flammes. Cool."
                                              Claudia Black

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